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Mes premiers pas en Holacratie avec Raphaël #10

Mes premiers pas en Holacratie avec Raphaël #10

Le 

22

 

DÉCEMBRE

 

2025

 • Par 

Soizic Thiébaud

Pour son dixième anniversaire, HappyWork donne la parole à dix personnes ayant récemment intégrés une organisation auto gouvernée.

Peux-tu me présenter ton parcours au sein d’Eco-Counter ? 

J’ai intégré Eco-Counter à la fin de mes études en 2015 en tant que chargé de Web Marketing. À l’époque, on était à peine 50. L’entreprise a depuis bien grandi, puisqu’elle compte aujourd’hui 220 salariés. On a commencé à adopter l’Holacratie avec des premiers tests fin 2017 pour conserver nos valeurs fortes d’autonomie, de transparence et de responsabilité en garantissant une structure mieux définie. C’était un vrai défi, notamment pour former l’ensemble des équipes.

De mon côté, j’ai suivi de près le processus d’adoption de l’Holacratie en interne. Cette expérience m’a permis d’acquérir de nombreuses compétences et d’explorer plus en profondeur les enjeux de l’entreprise. Nous avons créé un cercle de supervision de l’implémentation, nommé « Holahoop », dont la raison d’être est que chacun comprenne et utilise au maximum les possibilités offertes par l’Holacratie. J’y occupe le rôle de « Coach Holacratie ».

Qu'est-ce qui t’as le plus surpris en découvrant l’Holacratie ?

Le formalisme, au départ. On venait d’une culture d’entreprise avec beaucoup d’implicite : on nous faisait confiance, on nous disait « allez-y, pas de problème », mais les choses n’étaient pas réellement cadrées. Avec l’Holacratie, on a eu le sentiment que beaucoup d’éléments allaient être structurés. C’était une vraie différence, plutôt positive.

On a ensuite participé à deux jours de séminaire pour découvrir l’Holacratie. À la fin, un tour de table a permis à chacun d’exprimer ce qui lui plaisait, ce qui lui faisait peur, etc. Ce qui est beaucoup ressorti, c’était justement cette crainte d’un système « trop carré, trop cadré ».

Comment as-tu réussi à surmonter cette crainte ?

Les débuts en Holacratie peuvent être vécus comme très théoriques, mais, grâce à des exemples concrets, on a rapidement compris que ce cadre et cette structure allaient apporter beaucoup. Cela nous a permis de gagner en liberté. Après six mois de pratique, on s’est rendu compte que c’était une approche extrêmement souple sur de nombreux aspects, offrant finalement plus de possibilités que de contraintes.

Je pense que cette crainte s’est aussi dissipée lorsqu’on a constaté l’efficacité des réunions de triage, le nombre de points traités en une heure. Ça permettait aussi à tout le monde de s’exprimer, y compris les plus timides ou introvertis. J’ai trouvé cela assez magique : le cadre et la structure évitent la loi du plus fort.

Est-ce que l’Holacratie a été adoptée par tout le monde ? 

Ce n’est pas parfait, comme n’importe quel système, il n’y aura jamais 100 % d’adhésion. Pour moi, la question principale c’est : est-ce que je comprends suffisamment les règles pour pouvoir les utiliser quand j’en ai besoin ? Si certains n’ont pas envie de clarifier leurs rôles ou de les utiliser, c’est dommage, mais on ne peut pas les forcer.

Chaque année, on mesure le taux d’engagement grâce à une enquête. Les personnes en retrait sont assez peu nombreuses : une petite dizaine sur tout le groupe. Donc oui, c’est majoritairement adopté.

La réunion de triage facilite énormément l’adhésion. Pour les autres outils, comme les domaines ou les politiques, l’engagement est encore timide. Si on prend quelqu’un au hasard dans l’entreprise, je ne suis pas sûr qu’il sache qu’en cas de tension, il peut utiliser ces outils-là.

Comment vois-tu l’Holacratie demain chez Eco-Counter ?

J’aimerais que les outils disponibles soient davantage utilisés, et pas uniquement les rôles et les réunions de triage. Idéalement, j’aimerais qu’on progresse dans notre capacité à identifier les tensions. Quand je tends l’oreille, j’entends encore beaucoup de petits sujets, de problèmes, de choses qui ne vont pas… et ce n’est pas encore un réflexe de les amener en réunion de gouvernance pour clarifier.

Je me demande souvent ce qu’on pourrait faire pour résoudre cela. Les leviers existent, mais encore faut-il avoir envie de s’en saisir. Je pense que nous n’avons pas encore atteint le point de bascule où l’Holacratie est perçue comme suffisamment utile pour y consacrer du temps : prendre le temps de formuler une vraie proposition de gouvernance, accepter le risque d’objections… cela reste encore un peu intimidant, même si nous avons progressé.

Comment décrirais-tu l’Holacratie à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ?

J’aime bien dire que c’est une boîte à outils qui permet de transformer n’importe quelle tension, en changement significatif.

Quel est le plus gros malentendu autour de l’Holacratie qui existe encore aujourd’hui ? 

Quand on parle d’Holacratie, les gens entendent souvent “démocratie”, et s’imaginent qu’on prend toutes les décisions collégialement. La véritable question c’est la clarté : qui prend quelle décision ? Est-ce que je la prends seul ? Est-ce qu’on vote ? Est-ce que je consulte tout le monde ?
La notion de consensus également. Les gens la confondent avec la prise de décision par consentement. C’est subtil, mais dans l’Holacratie, on n’attend pas que tout le monde soit d’accord, juste que personne ne soit contre.

En fait je dirai que le plus gros malentendu, c’est de croire que l’Holacratie remplace la hiérarchie du pouvoir par aucune hiérarchie du tout. Il y a en réalité une forme de hiérarchie de spécificité : les rôles n’ont pas tous le même impact. Ensuite, peu importe le niveau d’importance du rôle, chacun est autonome et peut proposer des changements pour son cercle.

Comment parviens-tu à surmonter ce malentendu ?

Ce malentendu arrive souvent lorsqu’une décision a été mal communiquée ou mal expliquée : on a l’impression que quelqu’un a décidé seul alors qu’on aurait aimé être consulté. Dans ce cas, on ouvre la gouvernance, et on peut proposer un changement. 

Si demain la V6 de la constitution venait à sortir, quelles nouvelles règles inventerais-tu pour améliorer encore plus la pratique ?

J’ai un sujet concernant le processus de réunion de gouvernance. Le processus asynchrone, dans lequel une proposition est adoptée s’il n’y a pas d’objection, me paraît parfois un peu trop léger.

On a mis en place un processus intermédiaire, qu’on appelle le « processus court ». Je viens en réunion de gouvernance et je dis : « j’ai envie de faire ça, j’aimerais passer par un processus court ». À partir de là, seules les questions sont acceptées. S’il n’y a pas de réaction, la proposition est adoptée.

Je ne pense pas que Brian Robertson serait très fan de ce processus, car il suppose que tout le monde se sente suffisamment à l’aise pour exprimer une réaction ou une objection, ce qui nécessite d’avoir déjà de l’expérience avec la méthode. Mais c’est un compromis que nous avons trouvé et pour lequel les retours sont plutôt bons. Cela permet de maintenir des réunions d’une heure et de traiter davantage de sujets.

 

Si l’Holacratie était un personnage de fiction – roman, série, film – qui serait-ce et pourquoi ?

Doctor Who, parce qu’il retombe toujours sur ses pattes, et qu’il gère de la complexité avec fluidité. Je pense aussi à l’idée de « réinvention du personnage » : il se transforme régulièrement, évolue de version en version, tout en conservant l’historique de ce qui s’est passé auparavant.

Avec l’Holacratie, il n’y a certes pas de voyage dans le temps, mais on peut être dans de multiples instants à la fois, avec une trame commune et une histoire à laquelle on revient toujours.

Photo formation Holacracy HappyWork
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