
Le
18
DÉCEMBRE
2025
• Par
Soizic Thiébaud
Je suis originaire d’Annecy en Haute-Savoie. Après un master en achats et logistique avec une alternance au pôle achats d’EDF, j’ai effectué un VIE (Volontariat International en Entreprise) chez Limagrain, dans le secteur agricole pendant deux ans en Californie.
Puis fin 2019, je suis revenu en France, et c’est à ce moment-là que j’ai été approché par QoQa pour rejoindre le département approvisionnement, qui était en train de se structurer.
Aujourd’hui, je fais de l’opérationnel, et je m’occupe surtout de la gestion des outils et des processus pour mon département.
Quand je suis arrivé, l’Holacratie n’était pas encore mise en place. On en parlait très vaguement, surtout à notre niveau dans l’entreprise : le mot avait été évoqué, mais c’était encore très flou.
Selon moi, il y avait surtout l’envie de formaliser et de structurer une entreprise qui passait un cap : on sortait du stade “start-up sympa”, et on entrait dans une phase où il devenait nécessaire de clarifier qui fait quoi, quelles sont les responsabilités, quels sont les périmètres.
Quand je suis arrivé chez QoQa, on était à la fin d’une période que je qualifierai de “désordre organisé”, qui fonctionnait finalement plutôt bien parce qu’on était peu nombreux, donc les décisions se prenaient vite et chacun avait sa place. Mais on a grandi rapidement : plusieurs sites, une centaine de personnes en approche, des départements qui commençaient à se structurer mais de manière encore très vague. On avait besoin d’une vraie structure.
Je pense que si l’entreprise s’est tournée vers l’Holacratie, c’est parce qu’il y avait la volonté de ne pas adopter un modèle trop pyramidal, qui aurait été contraire à la vision du fondateur, Pascal. Il y avait l’envie que chacun et chacune puisse s’exprimer et changer les choses à son niveau lorsqu’il ou elle le jugeait nécessaire.
Avant d’arriver chez QoQa, j’avais travaillé dans de très grands groupes, extrêmement structurés. Quand je suis arrivé ici, c’était un choc : il n’y avait quasiment aucune structure au sens traditionnel. C’était un peu déstabilisant, mais je m’y suis vite fait.
Alors quand on nous a annoncé qu’on allait changer de fonctionnement, au début, j’avais vraiment du mal à imaginer qu’on allait réussir à mettre de l’ordre. J’avais surtout des doutes sur la capacité des gens à accepter ce changement, parce que beaucoup appréciaient ce côté start-up, presque ambiance de club d’étudiants.
Je dois avouer que la transition a été menée de manière très pertinente, autant en interne que par les coachs* qui nous ont accompagnés. Le changement a été bien expliqué, et très pédagogique. La phase d’encodage s’est faite assez naturellement : on a pu s’exprimer sur ce qu’on faisait, ce qu’on voulait ou ne voulait pas faire. Ça a beaucoup contribué au succès du changement.
Certes les débuts ont été déstabilisants, notamment l’introduction des séances tactiques (triage) et de gouvernance : le format était nouveau pour tout le monde, et les gens ne savaient pas trop s’ils avaient le droit de faire ceci ou cela. Mais la courbe d’apprentissage a été assez rapide, et on est vite arrivés à quelque chose de fluide.
Les séances tactiques, justement ça a été le vrai “plus” pour moi. Avant, on avait des réunions hebdomadaires longues, pas très efficaces, dont on sortait souvent en se disant qu’on avait perdu notre temps. Là, il y avait enfin un cadre qui permettait de vraiment faire avancer les sujets.
Je dirais que mon quotidien est rythmé par deux types de séances : celles qui permettent de traiter les problèmes très concrets de mon équipe, et celles qui servent à réorganiser le cercle quand c’est nécessaire.
Ce qui change beaucoup par rapport à mes expériences passées, c’est qu’ici, on peut vraiment proposer des changements. Dans les entreprises plus traditionnelles, tu remontes un problème et tu attends qu’on fasse quelque chose, mais toi, tu ne peux généralement rien changer. Ici, tu sens que tu as plus de responsabilités.
Je pense que la période pendant laquelle je suis arrivé, entre l’ancien fonctionnement et l’Holacratie, combinée à l’explosion du e-commerce pendant le Covid, a fait que les effectifs et les volumes ont augmenté très vite.
Je suis passé d’un rôle très opérationnel à des responsabilités plus larges, sur des sujets qui touchaient tout mon département. Ces rôles n’existaient pas quand je suis arrivé : ils se sont créés au fur et à mesure. Ils évolueront encore, probablement. Ce que je sais maintenant c’est que lorsque quelque chose m’intéresse, je peux créer un rôle et je peux l’occuper pleinement !
Actuellement j’en ai une vingtaine. Je ne suis pas actif de la même manière dans tous mes rôles mais c’est normal au vu de notre organisation. Il y a certains rôles dans lesquels je suis bien plus actif, et pour lesquels j’aspire à gagner encore plus en maturité.
Je suis leader du cercle “Transport Amont”. C’est le cercle qui gère les relations avec nos principaux transporteurs chez QoQa. J’ai également des rôles structurels de scribe (secrétaire) et facilitateur dans plusieurs cercles.
J’aime beaucoup être scribe : écrire, transcrire proprement des échanges ou organiser des informations.
J’aime aussi faciliter. En revanche, il m'est arrivé à plusieurs reprises de refuser un rôle de facilitateur car du fait de mes autres rôles au sein d’un cercle c’était souvent moi qui amenait des points et des tensions lors des réunions. J’ai eu plusieurs fois la sensation de parler tout seul, et ça me paraissait antinomique en Holacratie !
Pour moi, le plus grand malentendu, c’est de croire que l’Holacratie signifie “pas de hiérarchie”, que tout le monde peut tout faire, peu importe sa place au sein d’une organisation.
C’est faux, et ça peut même poser problème dans certaines entreprises. Ça peut rendre le rôle de leader de cercle compliqué, surtout dans la relation avec les membres du cercle.
J’observe dans mon quotidien que le leader de cercle doit mettre en œuvre la vision du cercle, et parfois ça implique de lancer des projets ou de définir des périmètres que d’autres n’approuvent pas forcément.
C’est là que le système de traitement des objections est utile : il permet de clarifier ce qui est valide ou non pour avancer.
J’essaie de promouvoir le format des séances tactiques dans une association dont je fais partie. Comme dans beaucoup d’associations, les réunions sont souvent interminables, décousues, et les sujets s’enchaînent sans cohérence. Je ne rentre pas dans les détails techniques, mais j’essaie de présenter l’idée d’un format plus structuré, avec une vraie facilitation.
J’observe que même dans ces petites structures bénévoles, on reproduit parfois les travers des grandes entreprises : tout le monde dit ce qui ne va pas, mais personne ne fait bouger les choses.
Je dirais Panoramix, dans la bande dessinée Astérix. Il a le rôle de facilitateur dans son village, il désamorce les situations complexes du quotidien.
*QoQa a démarré en Holacratie vers 2020-2021, accompagnée en cela par Sémawé, Ivolve et HapppyWork puis par Sémawé ensuite.






