
Le
21
NOVEMBRE
2025
• Par
Soizic Thiébaud
Après des études d’ingénieur, j'ai commencé à travailler directement dans le conseil, dans une ESN (Entreprise de Services Numériques), en assez grosse structure. J’ai été introduite aux méthodes agiles dès cette première expérience. J’étais très intéressée par tout l’aspect organisation d’équipe, efficacité opérationnelle, partage des responsabilités. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à toucher à l’organisation du travail.
En 2018 j’ai intégré Suricats Consulting, une entreprise que j’ai connue par recommandation, puisque je travaillais déjà avec des méthodes plus agiles que dans une société de conseil traditionnelle. Chez Suricats, je suis consultante en transformation et gestion de projets digitaux.
En 8 ans, j’ai travaillé sur de nombreux sujets dits responsables : les questions de réduction environnementale, d’inclusion, le bilan carbone, la certification B Corp. Et depuis quelques années, sur la mise en place de l’Holacratie.
En 2019, nous avions lancé une expérimentation avec Bastoun Talec, lors d’un atelier de mise en situation avec nos équipes. À l’époque, ça n’avait pas fait l’unanimité, certaines personnes étaient sceptiques ! Puis en 2020, le sujet a été remis sur la table, entre autres suite à une discussion avec des partenaires qui souhaitaient travailler autour de ces questions. J’ai accepté directement de mener le sujet.
Bien qu’ayant déjà été confrontée aux méthodes agiles, où j’avais l’habitude de travailler à de petites échelles lors de la conduite de projets, je ne m’étais pas encore penchée sur la question de l’organisation de toute une entreprise. Donc j'ai tout découvert finalement.
Ce qui m’a le plus surprise, et qui a même été une révélation, c’est le besoin d’être toujours alignée à la raison d’être de l’entreprise, pour que chaque action opérationnelle ait un sens vis-à-vis de cette raison d’être. Chez Suricats notre raison d’être est d’aider les entreprises en les guidant vers des modèles et des pratiques efficientes et responsables, afin qu’elles jouent pleinement leur nouveau rôle positif dans la société. C’est la première fois que je touchais ça du doigt, et désormais ça fait partie de mon quotidien au travail. C’est quelque chose dont je n’avais pas conscience mais qui aujourd’hui est tellement important.
Je l’ai très rapidement lié à l’agilité. J’ai retrouvé les mêmes mécanismes en plus fort et en plus étendus : redonner du sens, partager une vision commune et partager aussi les responsabilités.
Ça influence complètement ma priorisation et l'orientation de mes actions et de mes activités dans le cadre de mes missions. Désormais, quand je travaille pour un client et que l’on démarre une nouvelle mission, je présente systématiquement mon rôle, la mission, la raison d’être et les redevabilités. J’ai besoin de formaliser tout cela, pour m’assurer que je sois bien alignée avec le client et la mission qu’il me confie.
Il y a des choses que l’on n’a pas encore mises en place, et donc jamais ou peu utilisées. Je pense par exemple aux accords relationnels, ou encore les domaines que l’on ne formalise pas.
Pour ma part je n’ai pas eu de difficultés particulières, c’est un cadre qui me convient, que j’apprécie et dont j’ai facilement adopté les concepts.
Ma difficulté principale c’est plutôt de faire adopter l’Holacratie à toutes et tous ! Il y a des personnes qui aiment bien fonctionner sans cadre. C’est là que réside ma plus grande difficulté : concilier les deux mondes. Ceux qui sont dedans et qui apprécient la structure et le cadre de l’Holacratie, avec toute la liberté qui en fait partie, et ceux qui vivent un peu à côté. La cohabitation des deux est parfois difficile.
Malgré tout, le groupe embarque petit à petit les plus réticents grâce aux réflexes et aux règles de l’Holacratie. Par exemple, si quelqu’un a une question et s’adresse à une personne par habitude même si ce n’est pas son rôle, on le redirige systématiquement vers la personne énergisant le rôle. On essaie de mettre en place ces automatismes le plus souvent possible. Ce genre de « court-circuits » est en partie lié à un historique au sein de l’entreprise, mais pour la transparence de l’ensemble des salariés, c’est plus intéressant que l’on passe par les rôles qui sont bien définis.
C’est essentiellement là que réside notre plus grande difficulté : casser les circuits de communication souvent liés à l’ancienneté au sein de l’organisation.
Il faut donc de la rigueur, et rappeler à l’ordre, ou tout du moins préciser quel est le nouveau circuit, lorsque cela n’est pas clair.
Ce que j’aime dans l’Holacratie c’est son côté organique et vivant. J’essaie de le faire refléter dans mon holarchie et dans ma gouvernance. J’observe que d’autres personnes vont plutôt essayer d’avoir une holarchie idéale et l’utiliser comme une cible à atteindre plutôt qu’un reflet de la réalité de l’organisation. Par exemple, si un rôle n’est pas énergisé, je préfère qu’on le supprime et qu’on le recrée à un autre moment si besoin, là où certaines personnes vont préférer garder ce rôle et essayer coûte que coûte de trouver quelqu’un pour l’énergiser, et garder toutes les redevabilités. J’observe que parfois on n'est pas tout à fait aligné.
Pour moi ça reflète un détournement des concepts de l’Holacratie, en oubliant sa nature vivante : on peut modifier autant de fois que l’on veut, dans un sens comme dans un autre, on peut retirer, on peut supprimer. L’Holacratie c’est faire en sorte que l’organisation soit représentée exactement comme elle est, et pas juste pour avoir quelque chose de complet et joli sur le papier.
J’ai trois rôles. Chez Suricats on a mis en place le système de leader de rôle et le contributeur. Le leader de rôle c’est le représentant officiel du rôle : il participe aux réunions, c’est le point d’entrée principal. Il peut s’appuyer sur des contributeurs, qui font office de suppléants, si un sujet nécessite d’être à plusieurs pour le construire.
Par exemple, sur le rôle « mère nature » qui s’occupe de calculer le bilan carbone de Suricats, il y a un leader de rôle et je suis contributrice. Je suis sollicitée à chaque fois que l’on travaille dessus, mais je ne suis pas présente pour autant aux réunions de triage.
Je suis souvent facilitatrice, comme j’étais dans les premières à être formée. J’ai été leader de cercle de l’Holacratie. On avait créé un cercle « Surivolution » dédié à la formation et au déploiement de l’Holacratie chez Suricats. Une fois que tous les cercles ont été mis en place, on a dissous ce cercle pour ne redevenir qu’un rôle. Maintenant je suis leader du rôle Surivolution, mais ce n’est plus un cercle.
Le Surivendredi c’est un temps en interne. Chaque vendredi après-midi est consacré au partage d’informations et au développement en collectif de sujets spécifiques. On peut avoir des moments en plénière où l’on va assister à des présentations et des échanges, et des moments en plus petit comité autour d’ateliers.
L’Holacratie s’inscrit très bien les Surivendredis puisque les cercles peuvent faire passer des messages pendant cet après-midi-là. Avant c’était davantage sur la base du volontariat, donc moins régulièrement.
Depuis quelques semaines, on tente de faire nos réunions de triage et de gouvernance lors du Surivendredi. On a mis ça en place pour avoir un peu plus de présence lors des réunions. La difficulté chez Suricats c’est de travailler ensemble en parallèle de notre activité de conseil. Parfois on a des urgences chez les clients et ce n’est pas toujours évident de rassembler tous les rôles lors des réunions. Depuis septembre on est en pleine phase d’expérimentation. On ne fait plus des réunions récurrentes, mais toutes les semaines les cercles demandent si une réunion est nécessaire. S’il y a un besoin, elle est planifiée le vendredi après-midi.
En dehors du sujet raison d’être et des redevabilités que j’utilise au quotidien et que je propose à mes clients régulièrement, j’utilise le système de facilitateur et de secrétaire régulièrement pour dissocier les rôles. Je mets aussi en place le tour de tension pour définir l’agenda des réunions. Je n’emploie pas forcément les termes holacratiques pour ne pas perturber les clients mais j’en utilise le système. Ils font un peu d’holacratie sans le savoir.
Dans ma vie personnelle, si j’ai un projet à plusieurs comme l’organisation d’un mariage par exemple, j’aime mettre en place une répartition de rôles pour qu’on avance efficacement tous ensemble !






