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Holacracy Focus : les Tensions

Holacracy Focus : les Tensions

Le 

15

 

Mars

 

2022

 • Par 

Chris Cowan (traduction HappyWork)

Résumé

  • Les tensions sont ressenties et non pas pensées
  • Les tensions sont tout ce qui n’est pas « neutralité »
  • Les tensions ne sont pas uniquement des problèmes
  • Les informations peuvent dissoudre les tensions
  • Il est impossible de ressentir la tension de quelqu’un d’autre
  • Il faut s’occuper des tensions une par une
  • Il arrive que des tensions se décomposent en sous-tensions

Les tensions font partie des éléments constitutifs de la pratique de l’Holacracy. Et de la même façon qu’il est nécessaire de comprendre les phrases afin de comprendre des paragraphes, et les mots avant les phrases, il est important de comprendre ce qu'est une tension avant de pouvoir appréhender la façon dont Holacracy fonctionne vraiment. Alors considérons ce qu’en Holacracy nous appelons « tension », abordons ses contours, discernons ses courbes, et découvrons ce qu'est cette « chose ».

Techniquement, une tension est la sensation que vous éprouvez lorsque vous sentez un écart entre ce qui est et ce qui pourrait être. Plus techniquement, la Constitution la définit comme suit : Vous êtes responsable de comparer l’expression réelle de la Raison d’Être et des Redevabilités de votre Rôle, à votre vision de leur manifestation potentielle idéale, afin d’identifier les écarts entre les deux (chaque écart est une « Tension ») Constitution Section 1.2.1

Et c'est tout ce que les règles disent à propos d'une tension. C'est tout. C’est pourquoi toute interprétation que vous faites de cette définition est, techniquement parlant, parfaitement valable. En gardant cela à l'esprit, je vais partager certaines de mes propres interprétations. Si elles vous aident, c'est génial. Si elles vous embrouillent encore plus, jetez-les et faites avec ce qui a du sens pour vous.

1. Les tensions sont ressenties et non pas pensées

Le monde est fait de portes, d'opportunités, de cordes de tension qui attendent d'être frappées.
Ralph Waldo Emerson

La constitution Holacracy utilise le verbe « sentir » ( « ...un potentiel que tu sens... ») pour une bonne raison. C'est en effet parce qu’une tension se ressent dans notre corps, plutôt que de se penser dans notre cerveau. Cette perception peut n'être rien de plus qu'une intuition, et d'une certaine façon, c'est un peu le but. L'intelligence réside dans tout le corps et pas seulement dans le cerveau (par exemple, la recherche nous dit que l'intestin est particulièrement intelligent).

Il est possible de penser que quelque chose pourrait être un problème, mais de ne ressentir aucune tension. Par exemple, vous voyez un panneau « Fermeture du magasin » pour un magasin où vous ne faites jamais vos courses. Ou si un inconnu vous tend soudainement un morceau de papier sur lequel est griffonné un problème de mathématiques. Bien sûr, c'est un problème à résoudre, mais ça ne vous intéresse pas particulièrement.

Par ailleurs, comme la perception est différente de la pensée, il est possible de ressentir une tension à propos de quelque chose à propos duquel ta pensée n’est pas claire, voire absente. Par exemple, vous apportez un sujet pour en discuter, mais quand on vous demande « De quoi as-tu besoin ? », vous souriez et marmonnez, « Oh rien... Je voulais juste que tout le monde soit conscient que c'est un sujet très important ». 

Dans les systèmes de management classiques, nous avons des voies limitées pour traiter nos tensions, c’est-à-dire nos perceptions « qu’il y a quelque chose à résoudre » alors nous nous efforçons d’ignorer les problèmes (ou nous faisons semblant de ne pas nous en soucier). 

Mais chacun.e de nous est un capteur unique pour l'organisation. Ce qui signifie que les tensions sont intrinsèquement humaines, car seul un humain peut les ressentir. Une autre façon de dire cela est que les tensions sont basées sur l'expérience. Ce ne sont pas seulement des préoccupations purement théoriques.

2. Une tension c’est tout ce qui n’est pas neutre

La signification du mot « tension » ne dit rien sur son intensité. Ça peut être une légère contrariété ou une catastrophe. Les deux sont des tensions. Donc, en gros, une tension est tout ce qui n'est pas un ressenti complètement neutre. Et il est important de le comprendre car, par définition, nous ne remarquons généralement pas les choses pour lesquelles nous ne ressentons absolument rien. « Le ciel est bleu. » « Cette chaise est marron. » Ces déclarations ne suscitent aucun ressenti spécifique. C'est neutre. Et la neutralité absolue est notre point de départ.  Tout ce qui n'est pas cette perception de neutralité est une tension. Et la plus petite perception de contraction ou de dilatation à l’intérieur de votre corps compte. Et si trouvez que « la barre est mise bien bas », vous avez raison.

Dans les organisations conventionnelles, le système ne sait généralement pas très bien digérer les tensions, il est donc logique de les empêcher d'entrer dans le système en premier lieu. Vous vous sentez frustré par quelque chose ? Gardez le pour vous. Vous voyez une nouvelle opportunité ? N’encombrez pas l’organisation avec ça, si vous n’êtes pas sûr.e que les autres y adhèrent. En fait, n'abordez les choses que si tout le monde est d'accord pour dire que c'est important. 

La nouveauté avec Holacracy c’est que cette dernière approche ne fonctionne pas : en Holacracy, cela peut sembler très bizarre en réunion si vous cherchez un consensus sur une décision que vous avez toute autorité pour prendre. Comme les autres peuvent facilement apporter leurs propres points à l'ordre du jour et traiter leurs propres tensions, fais-leur confiance pour le faire.

Petites ou grandes, les tensions ne sont que des écarts. Résoudre une tension signifie que vous avez comblé cette lacune spécifique.

3. Les tensions ne sont pas seulement des « problèmes »

Il est courant de penser qu'une « tension » est un « problème », mais il y a deux écueils avec cette façon de considérer les choses. 

Premièrement, comme décrit ci-dessus, une tension peut être n'importe quoi, même quelque chose d'incroyablement positif. Vous pouvez ressentir de l'excitation ou sentir une opportunité et ce sont des tensions. N'oubliez pas qu'une tension est définie comme un écart entre la façon dont les choses sont maintenant et un potentiel que vous ressentez, et qui pourrait rendre quelque chose déjà génial encore meilleur.

La deuxième raison pour laquelle les tensions ne sont pas des problèmes (ou qu'il n'est pas utile de les considérer comme des problèmes), c'est que les tensions signalent les problèmes - elles ne sont pas elles-mêmes le problème. Le problème peut être inconfortable ou gênant, voire douloureux. Mais ignorer les tensions, c'est comme débrancher une alarme incendie juste pour arrêter les bips. En faisant cela, vous avez arrêté le signal sonore... mais pas le problème. C'est pourquoi nous parlons de « s’occuper de » la tension plutôt que de « l'éliminer ». Les tensions ne sont en fait que des signaux de quelque chose d'autre (et sans vouloir être trop philosophique, j'appellerais cette autre chose, le « potentiel ») Alors, prenez vos tensions au sérieux, car elles vous disent de faire attention à quelque chose.

Your suffering is truth; it is intelligent. (Ta souffrance est la vérité ; elle est intelligente.)

- Chogyam Trungpa

Les tensions ne sont donc pas vraiment des problèmes. Ou du moins, ce ne sont pas exclusivement des problèmes. Ainsi, lorsqu'un facilitateur établit l’ordre du jour, qui n'est qu'une liste de tensions, considérez que tout ce dont vous avez besoin de parler avec les autres ou de comprendre est une tension.

Note : Il est courant de dire que les tensions sont « résolues », comme dans « Est-ce que cela résoudrait ta tension ? » et puisque « résolu » fait référence à des « solutions », il est facile de supposer qu'une tension s'apparente à un « problème. » La langue ne nous aide pas ici. D'un point de vue conceptuel, le mot idéal serait « fermé », comme dans le fait de fermer une brèche (par ex. « Est-ce que cela a fermé ta tension ? »). 

4. L'information peut dissoudre les tensions

Le traitement d'une tension peut aller jusqu’à entraîner un changement organisationnel, mais cela peut aussi tout simplement signifier que j'obtiens plus d'informations sur une question. Rien ne change du tout au tout, je viens d'en apprendre davantage. Ce n'est pas comme si un problème était résolu, c'est plutôt comme si vous preniez conscience que le problème n'a jamais existé. De cette façon, les nouvelles informations peuvent agir comme un solvant. Cela peut éliminer les tensions même si rien ne change.

Si vous marchez sur un serpent, vous aurez peur. Mais si vous prenez conscience soudain que : « Oh, c'est juste une corde », votre peur disparaîtrait. Vous n’avez pas tué le serpent. Vous ne l’avez pas fui. Vous n’avez rien fait à part prendre conscience que « ouf, ce n’est pas un serpent » C'est ce que je veux dire par l'information peut littéralement faire disparaître les tensions.

Alors, avant de bondir pour changer les choses, il faut parfois envisager la possibilité que vous ne voyez tout simplement pas tout le tableau. En pratique, vous devrez probablement prendre l'habitude de rechercher des informations encore plus que vous ne le faites déjà.

Les questions de clarification sont un bon moyen pour obtenir des informations, et il est tout aussi efficace de mentionner que votre réaction peut être basée sur des données manquantes ; par ex. « Cela semble être une idée horrible — mais peut-être que je rate quelque chose. » Ou bien : « Écoute, j’ai une tension, alors peut-être que si je comprenais mieux d'où elle vient, cela pourrait la résoudre. »

5. Tu ne peux pas ressentir la tension de quelqu'un d'autre

Et je ne veux pas dire que vous ne devriez pas. Je veux dire que vous ne pouvez pas. Par définition. Bien sûr, il peut sembler que deux personnes ressentent la même tension, mais c'est comme si deux personnes avaient le même virus. Ce sont des maladies distinctes car elles se trouvent dans des corps différents. Donc, par exemple, nous savons que guérir l'un ne guérit pas automatiquement l'autre.

C'est pourquoi la constitution dit que vous ne pouvez pas traiter les tensions au nom d'autres rôles (sauf si vous en avez reçu l'autorisation) parce que vous ne pouvez tout simplement pas ressentir la tension de quelqu'un d'autre. Et il ne s'agit pas d'être égoïste et de ne pas s'entraider, il s'agit de reconnaître que chacun a des rôles à jouer et si nous avons l'habitude de traiter les tensions au nom d'autres rôles, alors qui traite les tensions pour nos rôles ? Ce serait comme si le gardien de but quittait toujours son poste pour aider le défenseur.

C'est pourquoi dans Holacracy, « l'aide » n'est pas considérée d’emblée comme une chose enthousiasmante. Il y a autre chose dont nous avons besoin. Nous devons respecter les limites. Si je rentrais chez moi et que je trouvais mon voisin en train de nettoyer ma cuisine, ça serait très étrange pour moi.

Le fait de savoir qu'il n'est pas possible de ressentir la tension de quelqu'un d'autre explique pourquoi vous ne pouvez pas vous opposer aux propositions dans les réunions de gouvernance au nom d'autres rôles (à moins d'avoir reçu l'autorisation de ce rôle), et pourquoi les « Représentants de cercle » ne sont pas simplement des canaux muets pour votre tension – vous devez en fait les « infecter » avec votre tension.

6. Les tensions doivent être traitées une par une

Traiter les tensions une par une est l'une des disciplines les plus importantes de la pratique de Holacracy dans le monde réel. Elle se manifeste dans les réunions où nous traitons mécaniquement les points de l'ordre du jour un par un, mais elle informe aussi généralement sur la façon dont le reste de Holacracy est censé fonctionner.

Un groupe de personnes se tenant ensembleDescription générée automatiquement avec une confiance moyenne

Prendre son tour n'est pas toujours facile, mais au moins c'est équitable pour tout le monde.

Le postulat est que dans un groupe, si les gens s’apprécient et se respectent mutuellement, il n’y a que très peu besoin de discipline formelle. Le groupe trouvera une solution naturelle (ce qui signifie généralement que « le plus fort gagne »). Mais il y a deux problèmes avec cela. 

Premièrement, il y a cette chose appelée « le groupe. » Si une tension peut être ressentie par un groupe, il faut quand même des individus pour la ressentir. Ce qui signifie que même si un groupe ressent une tension, nous devrions toujours nous demander : « Quels individus spécifiques ressentent une version de la tension du groupe ? »

Le deuxième problème est d'assimiler « naturel » à « bon » Bien sûr, les aliments naturels sont plus sains, mais nous avons toujours besoin de coachs personnels pour nous faire faire de l'exercice et de réveils pour nous réveiller. Traiter une tension à la fois demande de la discipline. C'est difficile. Nous sommes construits pour la nouveauté et l'excitation, pas pour une attention minutieuse aux détails. Prendre son tour est une chose à laquelle nous devons travailler.

Alors, souvenez-vous de cela la prochaine fois qu'un Facilitateur teste votre objection. Ou quand il vous dit d'ajouter votre propre point à l'ordre du jour. Ou quand il vous dit que votre question de clarification ressemble à une réaction. Il ne dit pas que votre point de vue n'est pas important – il dit simplement que ce n'est pas votre tour.

7. Les tensions peuvent inclure des sous-tensions

Les tensions ne sont pas d'une taille ou d'une forme particulière. Elles peuvent être composées d'autres tensions. Elles sont fibreuses. Flexibles. Malléables. Ce qui veut dire que parfois, une tension est un motif. Parfois, ce qui semblait être une petite chose est en fait une grande chose. Après tout, vous ne pouvez pas percevoir la globalité d’une avalanche juste en regardant chaque flocon de neige.

Donc, essayer de traiter une tension comme « un schéma d'événements » est tout à fait correct. Mais il y a deux choses à surveiller. 

Premièrement, n'oubliez pas les détails. Les tensions sont basées sur l'expérience, pas sur la théorie (voir #1), alors préparez-vous à donner des faits concrets. 

Deuxièmement, ce n'est pas parce que les tensions peuvent être des motifs que vous devez toujours les traiter comme tels. Il est important de s'en souvenir lorsque vous avez du mal à traiter une tension. Peut-être que, pour une raison quelconque, c'est juste trop gros pour être traité. Comme lorsqu’une proposition de gouvernance que vous faites comporte trop d’éléments instables, ou si vous avez du mal à progresser sur un projet particulier.

Parfois, les tensions peuvent être décomposées en petits morceaux plus digestes. Rappelez-vous, il suffit d'un petit pas en avant. Soyez clair sur cette prochaine étape, ou faites une simple proposition de départ. Vous aurez de nombreuses occasions de faire évoluer les choses. Ce n'est pas parce qu'il y a tout un ensemble de problèmes en jeu que vous devez résoudre l’ensemble des enjeux d'un seul coup. Peut-être suffit-il simplement de résoudre certains éléments clés.

Photo formation Holacracy HappyWork
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