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Grandir sans perdre son âme : leçons d’une loutre

Grandir sans perdre son âme : leçons d’une loutre

Le 

06

 

Mars

 

2023

 • Par 

Matéo Parent

C’est une loutre qui nous a honorés de sa présence au dernier Meetup Holacracy. Vous avez bien lu, une loutre : il s’agit du surnom des employés de QoQa, e-commerçant suisse atypique et à succès. Notre invité Fabio Monte est à vrai dire une loutre locomotive, qui a connu le temps où son équipe n’excédait pas la dizaine de collaborateurs, contre 200 aujourd’hui. Pour le Meetup Holacracy organisé par HappyWork en novembre dernier, il a fait le récit du voyage de Qoqa vers l'Holacratie, entamé en 2019. Nous proposons ici un retour écrit des succès, débats internes et leçons qu’a tiré le collectif Qoqa de cette aventure.

Qonnaissez-vous QoQa ?

Qoqa compte 200 loutres-salariés, pour 1 Millions de membres actifs sur sa plateforme de e-commerce. Les ventes, regroupées sous forme d’offres flash personnalisées, n’ont cessé de grimper depuis les débuts du service en 2005. Au cœur de son modèle : la relation atypique avec les “QoQasiens”, une communauté de clients qui interagissent étroitement avec la plateforme.

Choyer ces derniers, et trouver chaque mois de nouvelles manières de les étonner est la raison d’être principale de Qoqa. C’est également la mission de notre interviewé Fabio, directeur des opérations et leader du “cercle Qoqa”. Son autre casquette de responsable du développement l’a confronté il y a trois ans à une question cruciale : que faire quand la taille de son équipe se multiplie par dix ?

Croissance explosive, collectif en crise

La pandémie de Covid-19 et le sédentarisme associé du confinement ont accéléré la dynamique commerciale de QoQa. Si bien qu’en 2020, les nouvelles recrues arrivent par quinzaines. Cette  croissance soutenue du nombre de loutres amène Fabio et ses équipes à se poser des questions vitales : 

  • Comment transmettre aux nouveaux arrivants l’ADN de Qoqa ?
  • Comment conserver de l'agilité dans les prises de décisions, et résister à l’inertie d’une grande équipe ?
  • Comment conserver sa singularité sur le marché ultra-concurrentiel du e-commerce ?

En résumé, comment gérer cette croissance à la fois généreuse et déstabilisante ? “Au-delà de 100 personnes, les choses ont commencé à se gâter”, se rappelle Fabio. Avant 2019, la hiérarchie de QoQa était très horizontale, ce qui laissait la liberté à chacun de challenger les décisions. Et, au fil des recrutements, les responsabilités se diluent, le management se complexifie, des rôles officieux se distribuent en souterrain… Intenable pour l’équipe dirigeante, qui prend alors le taureau par les cornes (ou la loutre par les pattes, c’est selon).

Premiers pas (de géant)

Fabio et son Comex dressent un premier constat. QoQa doit se faire accompagner. Et si possible trouver un nouveau modèle pour conserver les vertus du collectif : agilité, enthousiasme et soin apporté à la communauté (ainsi qu’une QonséQuente dose d’humour).

Et voilà bientôt les dirigeants à Paris, assistant à une formation sur l’Holacratie. Tous se projettent dans la démarche, sa philosophie, et aperçoivent son fort potentiel : “On a commencé à dessiner des cercles qui représentaient nos équipes. On était vraiment enthousiastes." De retour en Suisse Romande, ils lancent des sondages internes pour prendre le pouls des équipes, et estimer leur motivation à basculer en Holacratie. Ils s’entourent d’une équipe de coach incluant HappyWork. “Puis on s’est lancé : on a signé la constitution de l’Holacratie, et on a commencé les formations pour tout le monde.

Au début, l’acculturation n’est pas homogène. Il faut compter quelques mois pour que tout le monde s’acclimate. Car Fabio et son équipe ont choisi la méthode directe, plongeon dans le grand bain car les loutres n’ont pas froid aux yeux. “On a réfléchi si on devait faire partir seulement certaines équipes en Holacratie. On s’est dit qu’il valait mieux que tout le monde soit dans la mouise dès le début”, nous partage-t-il avec un sourire malicieux. 

De beaux succès

Au début, confesse Fabio, les process d’Holacratie paraissent trop mécaniques pour tout le monde. Comme si chaque réunion s’était transformée en un jeu de rôle aux règles un peu trop strictes pour être naturelles. 

Mais chemin faisant, les effets se font vite sentir : au-delà des gains de temps et de productivité, Fabio raconte les lames de fond profondément bénéfiques qui confortent aujourd’hui l’ensemble des dirigeants sur le bien-fondé de cette bascule.

“Moins de plaintes, plus de solutions.” 

Avec Holacratie, les rôles sont clarifiés. Chaque personne est responsable de son périmètre. En remettant le poids des décisions à sa juste place, en responsabilisant les individus, le bureau des manager n’est plus celui des lamentations. Un pragmatisme salvateur fait son apparition : “Tu peux venir avec un problème, seulement si t’as une proposition derrière.

“Les décisions sont plus fortes.”

La recherche de consensus, dans un collectif grandissant, est chronophage et épuisante. Pour les sujets d’organisation,  l’Holacratie apporte des process bien définis qui permettent de prendre des décisions de manière inclusive. Cela a un coût, Fabio le confesse, mais le jeu en vaut la chandelle : “on va moins vite sur les décisions. Mais tout le monde y adhère”. Les arbitrages -des plus stratégiques aux plus concrets- recueillent une acceptation bien plus importante. Le temps passé sur certaines décisions est vite rentabilisé par la suite, car il permet d’évacuer de nombreuses résistances individuelles, ce qui laisse le champ libre à la mise en œuvre efficace des actions. 

“On (re)découvre des talents.”

En Holacratie, le travail est organisé dans ce qu'on appelle des "cercles". Dans ceux-ci, on distingue les “facilitateurs” qui animent les réunions, des "leaders" qui reçoivent le budget, priorisent les tâches et distribuent les rôles. L’auto-censure baisse ainsi naturellement. “On a découvert des talents, des passions”, explique Fabio. “Certains qui n’osaient pas s’exprimer se jettent à l’eau et proposent de nouvelles idées qui font du bien à l’entreprise.

Notre invité insiste néanmoins sur l’importance des dirigeants. “On donne une vision, et c’est important pour que ça ne parte pas dans tous les sens.”Définir une raison d’être, une direction commune, permet de canaliser et diriger les énergies individuelles vers un projet collectif. Il s’agit d’apporter une vision stratégique nourrie des années d’expérience en interne.

Point d’aventure sans embûches

La transition d’un paradigme à l’autre ne se fait pas sans frictions.

Le premier obstacle est la mise à niveau. Former et faire basculer 150 personnes en Holacratie est déjà une belle paire de manches. Par la suite, la phase d’intégration des nouveaux recrutés n’est pas toujours aisée. “Quand de nouvelles personnes arrivent, elles ont leur modèles à eux, elles sortent parfois de 30 ans de pyramide classique.” D’où l’importance de prendre du temps pour les accompagner, grâce à un facilitateur qui s’assure que chaque personne puisse exprimer ses tensions.

La deuxième difficulté est d’arriver à lâcher prise. “Au début, tu fais tout, tu veux donner ton avis sur tout. En fait, ça a un nom : c’est du micro management”. Il est vital de respecter les décisions des autres si c’est dans l’intérêt de l’entreprise. Faire confiance est un pli à prendre, mais cela rend les décisions d’autant plus fluides et fortes. Et puis les résultats ne se font pas attendre longtemps. “Au bout de quelques mois, tu vois le résultat qui est là, tu te dis : j’ai bien fait de ne pas mettre un frein à telle décision.

Une autre question qui se pose est : comment faire de l’Holacratie une seconde nature ? “Quand on fait des simulations de réunion, ou qu’on a un coach avec nous, on parvient à respecter les rituels Holacratie. Mais pendant les Daily Meeting, on a vite fait de basculer dans nos vieilles habitudes.” D’où l’importance de l’accompagnement. “Plus les gens sont formés dans la société, plus ils sponsorisent le mouvement.” Plusieurs sessions de formations approfondies, organisées dans les semestres suivant l'adoption pour des groupes de salariés différents ont donné un nouveau souffle. Chez Qoqa, une dizaine de coachs garantissent le bon fonctionnement des outils au quotidien. 

Enfin, Fabio a rappelé l’importance du rôle des ressources humaines. “On avait pas de RH avant Holacratie, ils ont été embarqués un peu tard”. Les recrutements, entretiens annuels et rémunérations jouent pourtant une fonction clé dans la dynamique collective. “Plus vite ils sont embarqués, plus vite ils jouent le rôle de mentor.

L’importance du coaching

De la bascule initiale en Holacratie jusqu’à la conduite des projets aujourd’hui, Qoqa a toujours fait le choix de se faire accompagner. 

Ces formations ont un coût, notamment le temps des salariés. “C’est un temps bien investi”, juge Fabio. Le coaching n’est pas juste une huile dans le fonctionnement quotidien : il permet de dépasser les tensions personnelles. “Le coaching est parfois assez perso. On gère les frustrations, les tensions.” C’est la meilleure manière, conclut notre invité, de conserver une dynamique collective fluide et agile. Et in fine conserver à tout point de l’organisation les valeurs et la motivation nécessaire à la raison d’être des loutres : prendre soin de leur communauté. Et si possible, bien se marrer en le faisant.

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Comme Fabio, vous souhaitez réaliser une transition vers l’Holacratie ? Contactez-nous : [email protected]

Photo formation Holacracy HappyWork
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