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Auto gouvernance : décider sans objection, agir avec conviction

Auto gouvernance : décider sans objection, agir avec conviction

Le 

14

 

NOVEMBRE

 

2025

 • Par 

Isabelle Rappart

Comment décide-t-on lorsqu’il n’y a ni chef, ni hiérarchie ?

Au Groupement Régional Alimentaire de Proximité (GRAP),coopérative regroupant des acteur.ices de l’alimentation biologique et circuit court en Région Auvergne-Rhône Alpes, la décision se construit comme un bien commun. À travers un modèle d’autogestion mûri et exigeant, GRAP explore un art de la décision fondé sur la confiance, la clarté et la responsabilité partagée.

Lors d’un webinaire HappyWork, Sandie Favre, référente d’équipe, est venue témoigner d’un modèle vivant d’autogestion où le pouvoir de décider se conjugue au plaisir d’agir.

Une organisation en cercles : l’architecture de ce collectif en autogestion

« Je viens de la fonction publique, avec une hiérarchie très claire », raconte Sandie. « Chez GRAP, j’ai découvert un système où tout le monde est impliqué dans les décisions qui comptent. »

GRAP fédère près de 70 structures de l’alimentation durable — des boulangeries, épiceries, restaurateurs, artisans — pour un chiffre d’affaires de huit millions d’euros. La coopérative est structurée en cercles : par métiers, territoires et fonctions supports. Chaque cercle dispose d’une autonomie de décision dans son périmètre, tout en étant relié à un cercle général qui assure la cohérence d’ensemble.

Ce mode d’organisation s’inspire des principes de la sociocratie : clarté des rôles, décisions prises au plus près du terrain, mandats limités dans le temps et transmission continue de l’information.

« Notre fonctionnement, c’est que la décision doit être prise par les personnes qu’elle impacte », résume Sandie. Dans l’équipe support par exemple, les décisions sur les salaires ou la stratégie concernent tout le monde, donc elles passent en assemblée générale d’équipe. Celles qui relèvent d’un pôle ou d’un métier sont tranchées à ce niveau-là. »

L’élection sans candidat : légitimité et confiance

Les référent.e.s d’équipe, co-directeur.ices et président.e.s du CA sont choisis par des élections sans candidats.
Chaque membre peut proposer des noms ; les personnes citées plusieurs fois sont invitées à se positionner. Cette méthode cooptative fait émerger une légitimité de confiance, non d’ambition personnelle.

« C’est souvent le regard des autres qui fait naître la légitimité. Être cité.e par ses pairs nous amène à considérer que nous sommes peut-être capables d’assumer ce rôle » confie Sandie.

Cette posture incarne l’une des valeurs fortes du GRAP : la décision est un acte de reconnaissance mutuelle. Ce mode de désignation transforme la question du pouvoir : il n’est plus détenu, il est confié.

Décider « à zéro objection », plutôt qu’au consensus

Au GRAP, les décisions structurantes— qu’il s’agisse d’une révision salariale, du choix d’un mandat ou d’un changement d’organisation — s’appuient sur un processus de décision collective« à zéro objection ». Inspiré de la sociocratie, ce processus vise non pas à obtenir l’unanimité, mais à garantir l’absence d’objection argumentée.

Chaque proposition soumise à décision suit une séquence codifiée :

  • un rappel du contexte et la présentation de la proposition initiale ;
  • une séquence de clarification où chacun peut poser des questions ;
  • un tour de réaction pour exprimer ressentis, avis et points de vigilance ;
  • un tour d’objection : une objection n’est retenue que si elle met en lumière un risque concret pour l’organisation, et non une simple préférence.
  • Intégration des objections ou ajustements jusqu’à faire disparaitre toute objection bloquante.

Dans les assemblées générales deGRAP, cette approche prend forme à travers un système visuel de vote :

🟩 vert = d’accord ; 🟨 jaune = question, 🟦 bleu = je peux vivre avec ; 🟪 violet = j’ai une amélioration à proposer ; 🟥 rouge = objection, la proposition ne peut pas passer en l’état.

 

Tant qu’un carton rouge subsiste, la décision est suspendue : le groupe travaille à la bonification jusqu’à convergence.

« C’est tenable, même à cent personnes », explique Sandie. « Parce que les décisions sont très bien préparées. Quand elles arrivent en assemblée, elles ont déjà été travaillées, expliquées, clarifiées. » Résultat : des décisions effectives et sereines.

« Quand une décision est mûre, elle s’impose d’elle-même », résume Sandie. Lors de la dernière assemblée générale, l’augmentation d’une contribution financière — sujet sensible s’il en est — a été adoptée à l’unanimité.

Ce processus reflète parfaitement les principes que nous prônons chez HappyWork : la qualité d’une décision ne dépend pas du nombre de voix, mais du degré de clarté et de sécurité perçue par ceux qui la mettront en œuvre.

L’embauche, une décision collective et éthique

Dernier chantier en date dans l’équipe support : la création d’une cellule d’embauche, chargée d’arbitrer les besoins en recrutement. Cette cellule regroupe un.e des 3 codirecteur.ices, un.e référent.e d’équipe et une personne par pôle. Ensemble, ils évaluent les besoins, les priorités budgétaires et les équilibres de charge.

« On veut anticiper, éviter de recruter dans l’urgence, explique Sandie. On regarde les chiffres, mais aussi le ressenti des équipes. Le recrutement, c’est une décision collective et humaine. »

Une fois la décision de recruter validée, le pôle concerné conduit le processus d’entretien, avec la possibilité pour les référents d’équipe d’exprimer un avis en participant au 2è entretien ou un veto.

Et pour les nouvell.aux arrivant.e.s, l’autogestion s’évalue dès le départ :

« On demande si la personne a déjà travaillé sans supérieur hiérarchique. On partage aussi notre expérience, pour que la personne puisse mesurer ce qu’implique de travailler en autogestion»

Décider, c’est aussi prendre soin

Les référent.e.s d’équipe comme Sandie ne « commandent » pas ; ils prennent soin. Ils veillent à la santé du collectif, accompagnent les arrivées et les départs, soutiennent les échanges sensibles.
Les décisions difficiles – comme la fin d’une période d’essai – sont prises en conscience, avec le pôle concerné, sans brutalité.

Cette attention portée à la santé du collectif traduit une conviction : une décision juste se mesure aussi à la qualité de ses effets sur les personnes.

Photo formation Holacracy HappyWork
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